Actualités

déporté Auschwitz

Le déporté d’ Auschwitz oublié par la France

Le 21 avril 2015, devant le Tribunal de LUNEBOURG (Allemagne), fut jugé, à l’âge de 93 ans, le comptable d’Auschwitz, l’Officier S.S. Oscar GROENING pour complicité de meurtre.

 

Oscar GROENING, alors âgé de 21 ans, était chargé de comptabiliser l’argent et les biens des 1.100.000 personnes qui périrent dans ce camp d’extermination.

 

Parmi les survivants : Marcel CHAMBONNIERE, né le 25 février 1921 à VILLEBOIS dans l’Ain il exercerait le métier de mécanicien pour la Société BERLIET.

 

En 1943, âgé de 22 ans, il sera réquisitionné pour le Service de Travail Obligatoire – STO – pour la relève des prisonniers de guerre mais, réfractaire, il sera arrêté à son domicile de 22 janvier, à 5H du matin, en présence de ses parents…..par la GESTAPO accompagnée de 2 Gendarmes de la Brigade de son village !

 

Ce sera le début d’un terrible calvaire que connurent aussi des millions d’hommes et de femmes persécutés par les Nazis.

 

A la Gare de BOURG EN BRESSE, dans un train spécialement affrété par
la SNCF ( !), dans un wagon à bestiaux, sans manger ni boire, sans aucune intimité, où les morts s’entassaient, il sera tout d’abord interné dans le Camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau en POLOGNE.

 

Devenant le Matricule A 221-250, tatoué sur son avant-bras gauche, il sera ensuite transféré sur le Camp d’Auschwitz-Monowitz essentiellement destiné à l’extermination par le travail forcé notamment dans l’usine de produits chimiques I.G. FARBEN puis affecté aux « Kommandos extérieurs » par – 30°C, neige, pluie, presque nu et de la nourriture immangeable……

 

Il sera même opéré de l’Appendicite en mars 1944 par un Médecin S.S. au bloc 273 (sous l’autorité du Médecin fou S.S. Josef MENGELE qui procéda à des expériences absurdes et inhumaines) réchappant miraculeusement à cette intervention pratiquée sans presque aucune anesthésie ni asepsie……

 

Le 21 janvier 1945, à l’approche des troupes Russes, les S.S. feront évacuer le Camp d’Auschwitz-Monowitz forçant les malheureux déportés à parcourir quelque 300 kilomètres avec des chaussures hors service (semelles de bois et brides de toile), en pyjamas rayés, par un température extérieure de – 30°C, 40 cm de neige et sans nourriture…..jusqu’au Camp de Koenigstein à coté de la ville de DRESDE en Allemagne qui sera totalement détruite par un bombardement les 13 et 15 février 1945.

 

Finalement libéré par les Américains le 21 juin 1945, vivant mais presque mort, ne pesant plus que 30 kg, Marcel CHAMBONNIERE sera rapatrié-sanitaire dans sa ville natale de VILLEBOIS souffrant de troubles graves pulmonaires, cardiaques et intestinaux nécessitant, pendant des années, de longs séjours dans les hôpitaux, sanatoriums et maisons de convalescence.

 

En 1948 il demandera une pension d’invalidité qui lui sera refusée au motif, incroyable pour ce rescapé des Camps de la mort….., « que les infirmités invoquées étaient inexistantes ».

 

En 1956, néanmoins, le Préfet de l’Ain, daignera lui reconnaître la qualité de « personne reconnue contrainte au travail en pays ennemi » mais sans aucune conséquence.

 

Résigné et affaibli Marcel CHAMBONNIERE tentera cependant de reprendre une vie normale dans son village jusqu’en 1999, date à laquelle, âgé de 78 ans, sur les conseils d’anciens combattants et résistants, il réclamera à nouveau « une Pension Militaire d’Invalidité » avec un dossier médical le plus complet possible.

 

Contre toute attente le Tribunal des Pensions de l’Ain du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE, par jugement du 18 octobre 2004, rejeta la requête de Monsieur CHAMBONNIERE au même motif qu’en 1948, à savoir « qu’il n’apportait pas la preuve que les affections qu’il invoquait étaient imputables de manière directe, certaine et déterminante, à la période de 30 mois de déportation dans les Camps d’Auschwitz-Birkenau et d’Auschwitz-Monowitz » !!!

 

Le Tribunal des Pensions allant même jusqu’à reprocher à Monsieur CHAMBONNIERE « de ne pas avoir fait constater ses diverses maladies dans les 30 jours suivant son renvoi dans ses foyers… » et qu’en tout état de cause les Experts désignés n’ont constaté aucune séquelle actuelle des maladies.

 

Un Appel fut bien entendu porté devant la Cour de LYON où fut plaidé l’impossibilité, évidente, pour Monsieur CHAMBONNIERE, de fournir des certificats médicaux des médecins S.S. ou de ses tortionnaires attestant des sévices physiques, maladies et souffrances subis dans les Camps de la mort……

 

Et qu’il était inutile, inconvenant et gravement offensant de l’obliger à rapporter de telles preuves ce qui revenait à nier l’existence même du Camp d’Auschwitz duquel il avait miraculeusement survécu, ce qui constituait, en soi, la preuve unique et exclusive de l’imputabilité de ses maladies et infirmités durant sa déportation.

 

Enfin il fut rappelé à la Cour d’Appel la présence à l’audience d’un Grand Témoin de cette tragédie humaine, Monsieur Benjamin ORENSTEIN, rescapé de la Shoa, l’un des derniers survivants des Camps d’extermination d’Auschwitz, Président de l’Association des Déportés d’Auschwitz et des Camps de Haute Silésie, venu spécialement apporter son soutien à Monsieur CHAMBONNIERE pour que soient balayées la paperasserie et les tracasseries administratives imposées et de déclarer à la Cour, pour conclure « qu’aucun déporté qui est passé par le Camp d’Auschwitz n’en est sorti indemne. Moi-même, pendant 48 ans, je n’ai pas ouvert la bouche jusqu’aux prises de paroles des négationnistes ».

 

En effet nombreux furent les survivants, comme Marcel CHAMBONNIERE, qui, hantés par des images sanglantes, des visions apocalyptiques, préférèrent se taire pour tenter de les oublier ou parce qu’ils étaient impuissants à les mettre en mots.

 

Malheureusement la Cour d’Appel de LYON ne dira jamais si le simple fait d’avoir vécu le martyr dans un Camp de la mort, entreprise d’extermination et de déshumanisation, pouvait constituer la preuve unique et irréfutable de l’imputabilité des maladies et infirmités de Monsieur CHAMBONNIERE puisqu’il s’éteindra en février 2007 à l’âge de 86 ans.

 

« Lecteur souviens-toi »

 

Maître Jean-Jacques RINCK

Avocat de Monsieur Marcel CHAMBONNIERE

Jean-Jacques RINCK Avocat au barreau de Lyon Découvrir son parcours